La patience de l’impossible

Paroisse Saint-Jean-Baptiste – Ottawa https://sjb-ottawa.org

Massacre sous Pilate. Écroulement meurtrier à Siloé. Télé et journaux n’en finissent pas de rapporter des incidents du genre. Guerres, violences insensées, hécatombe de la Covid. Chaque jour redit combien le monde, combien la vie est fragile !

Peut-on expliquer le mal, l’accorder à la foi ? — Depuis toujours, il y a une immense tentation. S’en laver les mains. Projeter sur Dieu nos ras-le-bol, jugements catégoriques, soifs de vengeance et solutions finales. Coupez : ça suffit, les improductifs !

À se contenter de regarder les autres, on a vite fait. L’histoire est pleine de procès à courte vue. Ça semble rassurant de penser que le mal frappe les méchants, les pécheurs… Jésus n’entre pas dans ce jeu-là. Il nous renvoie à nous-mêmes. Convertissez-vous ! Tel est son appel. Il résonne tout au long du carême.

On l’entend en polyphonie. À trois voix au moins. La 1re : Convertissez-vous, sinon… C’est pas tant une affaire de peur que de réalisme. Souvenez-vous que vous êtes poussière : notre pauvreté radicale ! Le reste s’ensuit : gestes manqués, infidélités, convoitises égoïstes, injustices, exploitation ou mépris des autres.

La liste qui traduit notre condition commune de pécheurs risque d’être infinie. Si indispensable qu’il soit, ce 1er pas de conversion ne suffit pas. L’essentiel est ailleurs. L’appel de Jésus renvoie à sa source. — 2e voix de son appel : convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle, le royaume des Cieux est tout proche.

Jésus n’explique pas le mal. Il se fait proche des malades, des accablés, des rejetés. En paroles et en actes, il montre le visage de Dieu. Non pas Dieu-juge, Dieu vengeur. Mais Dieu de tendresse et de pitié, Dieu de patience et de bonté. Dieu qui voit plus loin que les stérilités de vies infructueuses.

Jésus met sur nos lèvres le nom de Dieu. Le nom qui dit ce qu’il est, qui il est, de toujours à toujours. Depuis Abraham, depuis Moïse et les fils d’Israël esclaves, jusqu’à nous. Dieu qui voit les misères, entend le cri des blessures, connaît les souffrances. Le Père qui vient à nous, qui est avec nous en son Fils. Pour nous libérer, nous faire monter vers la vie, nous faire naître sa vie.

Jésus nous donne le nom de Dieu, son nom de Père. Le nom don nous faisons mémoire dans la foi. Dieu, qui en son Fils, nous prend pour ses enfants. Dieu, Père de miséricorde, qui pardonne et guérit de tout mal. Qui arrache à la mort elle-même dans le Christ ressuscité.

Pourtant le mal persiste, en nous et autour de nous. Tant de violences, de crises humanitaires, d’échecs, de déceptions, de condamnations sans recours, tant d’épreuves ! Quand les eaux noires nous submergent, l’appel se fait encore entendre. — 3e voix toujours difficile, peut-être la plus difficile, à entendre : Convertissez-vous… changez votre coeur, qu’il s’ouvre à l’infini de l’espérance.

Baptisés dans le Christ, abreuvés de son Esprit, nourris du Pain de vie, Nous nous pensons solides. Nous tombons, le monde s’asphyxie autour de nous : ouvrez-vous à l’Au-delà de tout. Sans force : appuyez-vous sur l’amour du Seigneur qui est fort comme l’immense univers au-dessus de la terre. Les espoirs les plus profonds de l’humanité sont bafoués : soyez fermes dans la foi, prêts à témoigner que la terre où nous vivons est sainte, parce qu’aimée du plus grand amour. L’avenir est obscur : ne cessez pas de nous approcher pour voir. Pour mieux voir, au- delà de nos impossibles humains, jusqu’où nous conduit la patience de Dieu à qui rien n’est impossible.