Aujourd’hui, ce n’est pas le 6 août, mais le 5 mars. Ce n’est pas une chaude journée d’été, c’est une journée d’hiver.
Je vous entends penser : le prêtre est mêlé, il fait déjà des confusions. Ça ne regarde pas bien pour lui!
Pourquoi est-ce que je dis cela?
Parce que le 6 août, c’est la fête de la transfiguration du Seigneur. On lit le même évangile qu’aujourd’hui, selon le cycle des trois années.
Non, aujourd’hui, ce n’est pas le 6 août, la fête de la transfiguration du Seigneur, mais le 5 mars, le 2e dimanche du carême.
Mais quelle est la différence, allez-vous demander?
La différence, c’est que le 6 août, c’est comme un long arrêt pour contempler la lumière, tandis que le 2e dimanche du carême, c’est une courte étape sur le chemin.
En la fête de la transfiguration au mois d’août, on peut s’émerveiller devant la lumière, devant la gloire et la splendeur de Jésus. Mais pas aujourd’hui : on n’a pas le temps.
Si on lit le récit de la transfiguration au 2e dimanche du carême, c’est parce que c’est une étape sur notre chemin de carême. Si vous regardez la page couverture du Prions en Église de ce dimanche, il y a un long chemin qui continue jusque dans la montagne et se perd à l’horizon. Un pèlerin commence ce chemin; il a encore beaucoup à marcher.
Ce chemin, c’est aussi celui de Jésus et des apôtres.
• Jésus qui prêche le règne de Dieu et l’évangile.
• Les apôtres à la tête dure qui entendent ce message mais ne l’acceptent pas.
Sur ce chemin, Jésus et ses apôtres marchent non pas ensemble mais l’un à côté de l’autre. Entre eux, il n’y a pas d’entente; ils ne sont pas d’accord.
Oh! Cela n’a pas toujours été comme ça. Au début, ce fut l’enthousiasme de leur appel, l’autorité reçue lors de leur première mission et le pouvoir d’opérer des miracles.
Comment ne pas être d’accord avec le maître quand on a de l’autorité Et du pouvoir? Comment ne pas marcher ensemble quand tout va bien? Comment penser servir quand ce sont les foules qui nous servent?
Jésus prêche le règne de Dieu, il opère des miracles, des guérisons, des exorcismes. Les foules s’émerveillent et s’enthousiasment. Comment ne pas être porté par un tel enthousiasme?
Mais tout à coup, Jésus change son discours.
Une fois que Pierre a finalement (enfin!) confessé que Jésus est le messie, Jésus change complètement d’attitude.
Il se met à expliquer quel type de messie il est pour qu’il n’y ait pas de confusion ou d’incompréhension.
Jésus est le messie, ou, mais pas un messie de gloire, de richesse, de pouvoir, mais un messie de souffrance, de mort, de rejet, mais aussi de résurrection.
Par trois fois, Jésus annonce son mystère pascal de mort et de résurrection. Chaque fois, il en rajoute; chaque fois, il ajoute des détails.
On aurait pu penser que les apôtres suivraient encore, comme ils avaient fait au début. Mais ce n’est pas le cas.
Les apôtres étaient bien prêts à suivre le maître quand tout allait bien, quand les foules le suivaient. Mais maintenant?
Aussi, après chacune des trois annonces du mystère pascal, les apôtres résistent et refusent. Il y a même un épisode dans lequel ils essaient d’argument à partir de l’Écriture, comme Jésus. C’est un peu plus subtil mais c’est tout aussi pathétique.
Jésus, lui, se montre patient; très patient. Il répète encore et encore ce qu’est l’évangile : service, don de soi, disponibilité au projet de Dieu. Jésus n’élève pas le ton et ne fait pas de reproche.
À la transfiguration, c’est comme si Dieu pétait sa coche parce qu’il e avait assez et qu’il décidait de frapper un grand coup.
La transfiguration, ce n’est pas pour Jésus.
La transfiguration, ce n’est pas un show qu’on regarderait comme on regarde un beau film, en mangeant du popcorn, des chips ou de la pizza, en s’exclamant régulièrement : « Oh! Que c’est beau! »
Les apôtres ont essayé et ils se sont fait rabroués. « Oh qu’il est bon d’être ici! Dressons trois tentes pour jouir du spectacle plus longtemps ».
Le spectacle, il est beau, oui. Il est très beau. Mais la transfiguration de Jésus, c’est surtout un message aux apôtres.
La transfiguration de Jésus, c’est pour les disciples. Dieu leur dit : « Têtes dures, écoutez donc! »
Écoutez quoi? Écoutez Jésus.
Une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ».
Quand Jésus parle de croix, de souffrance et de mort, il a raison, c’est son chemin. Arrêtez de résister, arrêter de vous opposer.
Le messie doit passer par là pour accomplir sa mission.
Dieu va même chercher tous les arguments qu’il peut trouver.
Il aurait pu aligner une longue liste de citations bibliques, comme dans des ouvrages exégétiques, pour prouver son point de vue.
Comme la liste serait trop longue et un peu fastidieuse, il s’est dit : Pourquoi ne pas aller à la source même.
Dieu met donc de chaque côté de Jésus une Bible : la loi de Moïse d’un côté, les prophètes de l’autre.
Je ne sais pas si vous aimez qu’on vous révèle la fin d’un film ou d’un roman. La plupart des gens n’aiment pas ça.
Mais c’est ce que Dieu fait ici. Il montre la fin pour que le chemin soit acceptable ou supportable ou faisable.
C’est comme s’il nous disait : Je sais bien que la croix n’est pas agréable, que la souffrance n’est pas facile, que la mort n’est pas désirable, mais c’est là où ça mène : à la gloire et à la lumière.
Ce n’est pas la fête de la transfiguration du 6 août, mais il est bon d’en reprendre la préface. « Dieu préparait ainsi le cœur de ses disciples à surmonter le scandale de la croix ».
Frères et sœurs, comme à chaque année, la transfiguration de Jésus nous est proposée sur notre chemin.
Ce n’est pas un bon show ou un beau film. C’est une étape importante sur le chemin, pour que nous puissions continuer d’avancer et aller jusqu’au bout.
Comme les apôtres, il faut nous interroger sérieusement sur nos résistances.
Je ne crois pas que nous ayons vraiment la tête dure, mais que nous ayons régulièrement besoin d’être convaincu et reconvaincu.
Nous connaissons bien le message de Jésus, mais nous peinons à l’intégrer complètement.
Sur notre chemin de vie, nous rencontrons l’épreuve, la souffrance, la croix sous toutes ses formes. C’est là que Dieu nous attend.
Les richesses, la gloire, le pouvoir, ce sont des tentations auxquelles nous sommes invités à résister, comme nous avons vu Jésus le faire dimanche dernier.
Comme pour les apôtres, l’expérience de la transfiguration a été brève et fugace. Mais son souvenir ne se perdra jamais. Elle illumine le chemin parfois sombre et semé d’embuches.
Frères et sœurs, le terme du chemin nous a été révélé. Nous n’y sommes pas encore, mais nous y marchons jour après jour.
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