Riche en vue de Dieu

Paroisse Saint-Jean-Baptiste – Ottawa https://sjb-ottawa.org

Je suppose que nous sommes d’accord pour dire, avec Jésus : « La vie d’un homme, fût-il dans l’abondance, ne dépend pas de ses richesses. » Certes, un minimum d’argent est nécessaire pour vivre. Et pourtant – nous le savons tous – une vie vraiment humaine consiste en beaucoup plus que la possession de biens tangibles, et en beaucoup plus que la sécurité financière.

La parabole racontée par Jésus au sujet du riche jette un regard de pitié et peut-être d’ironie sur l’attitude de cet homme, qui est obsédé par son projet d’entasser de grosses réserves de blé. Cette ambition l’entraîne à démolir ses greniers pour en construire de plus grands. Il se dit à lui-même : « Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence. » Carpe diem, dit-on, en latin. Cependant il y a un prix à payer car, dans son manque de sagesse, ce riche fait de grands efforts en consacrant ses énergies à gérer ses possessions et ses investissements.

Jésus le caractérise comme « celui qui amasse pour lui-même ». Le riche de la parabole se centre sur lui-même ; il est égocentrique. Il veut se protéger contre toute éventualité négative, en recourant à des ressources purement matérielles. Mais ce projet est-il possible ? Cette manœuvre peut-elle réussir ? Quel être humain, en effet, a pu s’immuniser contre les épreuves de la vie, contre les déceptions, les infidélités, les blessures que les autres lui infligent, contre le vieillissement, la maladie et la mort ? Nous savons bien que pour faire face à ces éventualités, l’argent ne peut suffire. Et si nous sommes ici ensemble aujourd’hui dans cette église, c’est parce que nous cultivons une vision de foi, une espérance religieuse, pas simplement des espoirs limités.

À cet effort insensé d’amasser pour soi-même, Jésus oppose une autre voie, qu’il recommande : « être riche en vue de Dieu ». Qu’est-ce à dire ? Tel qu’utilisé par Jésus, le mot « riche » prend un sens nouveau. « Être riche » ne signifie plus se doter d’une parfaite sécurité en devenant suffisant et indépendant des autres. « Être riche », selon Jésus, signifie se développer comme être humain, s’épanouir.

Comme Jésus le dit, il s’agit de s’épanouir « en vue de Dieu », pour plaire à Dieu. Dans cette attitude, nous rendons grâces à notre Créateur, qui nous a donné tout ce qu’il nous faut pour nous développer pleinement, en tant que personnes appelées à la communion avec Dieu et avec leurs frères et sœurs humains.

Venons-en maintenant à notre deuxième lecture. Saint Paul écrit : « Vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau qui, pour se conformer à l’image de Dieu son Créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance. » Quel que soit notre âge, notre Créateur nous refait toujours neufs. Il désire que nous nous épanouissions, comme lui-même, Dieu, est épanoui et heureux.

Cependant on ne peut être épanoui et heureux tout seul. Dieu veut aussi que nous partagions notre bonheur avec les autres. Malheureusement il faut bien constater que les gens constamment malheureux sont incapables d’aider les autres à être heureux ; leur malheur leur fait trop souffrir. En contraste, les personnes relativement équilibrées, qui n’échappent pourtant pas à la souffrance, peuvent quand même se remémorer combien de choses elles ont reçues de leur Créateur, et elles rendent grâces chaque jour pour ce que le Créateur leur a donné et continue de leur donner. De plus, elles se réjouissent également de tout ce que le Créateur a donné aux autres, c’est-à-dire aux parents, familiers, amis, compagnons, compagnes de travail, etc. Ainsi s’établit parmi nous un climat de joie dans l’échange et le partage.

Cette attitude de base demande que nous ne comptions pas sur la sécurité matérielle et que nous nous tournions vers Dieu afin d’obtenir les lumières et les forces nécessaires pour affronter l’inévitable adversité et pour aider notre prochain. Ces lumières et ces forces nous permettent d’être de moins en moins égocentriques, de moins en moins centrés sur nous-mêmes ; c’est la tâche de toute une vie, une tâche accomplie dans la confiance en l’Esprit Saint. Ces lumières et ces forces nous poussent donc à sortir de nos préoccupations individuelles, à penser à Dieu avec reconnaissance et à être attentifs aux autres pour découvrir leurs besoins.

Demandons à l’Esprit Saint de nous rendre « riches en vue de Dieu ».

Louis Roy, OP
Église Saint-Jean-Baptiste,
Ottawa, 2025


Luc 12,13-21