Je suis toujours étonné, pour ne pas dire émerveillé, devant le caractère résilient, tenace, du côté enfant qui persiste, malgré tout, chez les humains. Ce côté enfant chez les humains se manifeste de bien des manières, mais une des manifestations qui me frappe le plus, c’est l’émerveillement sur les visages de ceux et celles, jeunes et vieux, qui regardent des feux d’artifice. En ces moments-là, nous retournons tous à l’enfance. Et l’émerveillement devant les feux d’artifice qui m’impressionne le plus, c’est celui devant les feux d’artifices de la veille du Jour de l’An. Car en ce jour, c’est pas seulement l’émerveillement devant les feux d’artifice, mais la réjouissance devant l’année qui s’ouvre. Cela me renverse. Tous ces humains qu’on voit se réjouir lors du Nouvel An, surtout les adultes, ils ne sont pas plus fous que nous. Ils savent que l’année qui s’ouvre va apporter avec elle, en toute probabilité, sinon pour eux-mêmes, du moins pour quelqu’un qui leur est proche, une mauvaise nouvelle, une épreuve terrible, un deuil. Et pourtant, le côté enfant en eux aime encore assez la vie pour pouvoir se réjouir devant une année nouvelle. Leur côté enfant leur permet de croire, ou du moins vouloir croire, en la possibilité de bonheur dans l’année qui vient. C’est là me semble-t-il, une audace propre à l’enfance. Et pourtant, ils sont légion à s’y adonner. C’est une disposition de l’humanité devant laquelle on ne peut pas ne pas être attendri.
Rendons grâce à Dieu pour cet esprit d’enfance, si largement distribuée en humanité, et qui rend la vie vivable. Et prions pour cette masse d’humanité, si vulnérable, et qui pourtant, ose encore et toujours espérer la vie et le bonheur. Demandons pour l’humanité toute entière ce que le Seigneur a prescrit à Aaron de dire aux enfants d’Israël : que le Seigneur les bénisse et les garde, qu’il fasse briller sur eux son visage, qu’il les prenne en grâce, qu’il tourne vers eux son visage, et qu’il leur apporte la paix.’’ Le Seigneur a promis à Moïse et à Aaron que ceux et celles sur qui ils prononceront ces paroles, il les bénira. Osons en croire autant quant à notre prière pour l’humanité entière. Que Dieu les bénisse, comme il a promis de bénir les enfants d’Israël.
Et pour nous, chrétiens, chrétiennes, quoi espérer, quoi demander? Très certainement la constance et les lumières de la foi et de l’espérance. La sérénité qui s’ensuit tout naturellement devant l’inconnu et toutes les menaces potentielles de l’avenir. Aussi l’accomplissement de la géniale prière du psalmiste, qui est en même temps une prière pour le monde autour de nous, à savoir, que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s’illumine pour nous, de manière à ce que son chemin soit connu sur la terre, son salut, parmi toutes les nations. Que ses grâces dans nos vies nous transforment de manière à ce que nous devenions, pour ceux et celles qui sont proches de nous, des renvois à lui, et au potentiel dans leurs vies d’un salut qui vienne de ce même Dieu auquel nous, nous croyons, de qui nous espérons tout.
Et enfin, en ce passage d’une année à une autre, ne convient-il pas de faire monter vers Dieu une prière d’action-de-grâce pour toutes grâces reçues et encore à recevoir, et en particulier pour celle qui est mentionnée par Paul dans la deuxième lecture de ce jour, et qui est, du moins pour moi, une source de consolation permanente et immense. Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, si bien que cet Esprit crie en nous, en permanence, Abba, c’est-à-dire, Père. C’est l’assurance de notre communion constante avec le Père. Même quand nous ne sommes pas conscients d’être en communion avec Dieu par la prière, nous le sommes, en raison de la présence en nous de l’Esprit de Dieu.
Étant donné mon tempérament et mon vif souvenir de toutes les épreuves dont j’ai été témoin dans ma vie, il m’est tout simplement impossible d’éprouver la joie à la pensée d’une année nouvelle qui s’ouvre devant nous. Mais mon expérience en tant que croyant me dote d’une sérénité qui me rend disponible pour prier pour cette masse d’humanité qui n’est pas aussi choyée que moi par la foi et l’espérance chrétiennes. Est-ce que nous n’en sommes pas tous et toutes un peu là? Dans la disponibilité qui nous vient de la sérénité chrétienne devant l’avenir, prions donc surtout aujourd’hui pour l’humanité hors nos murs. Ceux et celles qui ignorent cette chose extraordinaire que nous chrétiens, nous savons d’une certitude de la foi, qu’étant donné la bonté et le plan de Dieu, excusez-moi mais ça se dit mieux en anglais : Everything either is, or is going to be okay.
Demandons pour toute l’humanité la grâce d’en arriver un jour à la même conviction. Et pour nous même, de la tenir en permanence, de par les dons en nous de la foi et de l’espérance.