Dans la conclusion d’un dialogue dont nous venons d’entendre la fin – un dialogue assez tendu entre Jésus et la foule –, Jésus leur avait dit : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »
Or il y avait eu un malentendu : il ne s’agissait pas de manger physiquement la chair de Jésus, mais il s’agissait d’être nourri spirituellement par Jésus. Sa chair, donnée pour la vie du monde, c’est sa personne tout entière, âme et corps, offerte sur la croix.
Dans l’Évangile de Jean, le mot « chair » désigne en effet tout l’être humain dans sa faiblesse, et c’est bien ce que, par l’Incarnation, le Fils de Dieu est devenu : une personne humaine vulnérable. Il s’est fait chair comme nous, par amour pour nous, nous qui sommes vulnérables.
Ce qui est peut-être étonnant, c’est que les auditeurs de Jésus qui ne comprennent pas ce qu’il dit à propos de l’Eucharistie, ce ne sont pas seulement les juifs qui ne croyaient pas en lui, mais même ses disciples. Comme l’évangéliste Jean l’écrit, « Beaucoup de ses disciples, qui l’avaient entendu, déclarèrent : “Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ?” »
Jésus offre donc cette explication : « C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. »
Dans notre première lecture de ce matin, nous remarquons une situation semblable. Josué, le chef d’Israël, place le peuple d’Israël en face d’un choix décisif. Il demande au peuple de choisir qui servir : les dieux, ou bien le Dieu unique qui s’est fait connaître à son peuple.
Au temps de Jésus, il en va de même. Saint Jean nous dit : « À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. » Alors Jésus demanda au petit groupe des Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Et Simon Pierre de répondre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » C’est par ces paroles magnifiques de Pierre que l’évangéliste a choisi de conclure son chapitre 6, qui porte sur l’Eucharistie.
Cette situation où l’on doit prendre une décision fondamentale est également la nôtre. Serons-nous matérialistes et jouisseurs, sans croyance en un au-delà ? Serons-nous simplement spirituels, au sens où nous exclurions toute appartenance à une institution religieuse ? Ou serons-nous chrétiens, parce que nous avons rencontré le Christ bien vivant?
Ces diverses options sont ouvertes à nous, à nous-mêmes, aux membres de nos familles, à nos amis et connaissances. D’ailleurs, plusieurs d’entre nous ont souffert et souffrent encore en voyant certains de leurs proches abandonner le Christ et son Église.
Toutefois l’Esprit Saint offre sa lumière à tous, et il revient à chacun et chacune de la recevoir, cette lumière qui permet de croire et de pratiquer l’évangile. Cet évangile est radical et exigeant ; pour l’accepter, il faut de l’humilité, de l’énergie et de la persévérance. En revanche, l’évangile donne un sens à nos vies, il nous donne de la paix et de la joie. Voilà ce que nous célébrons, une fois de plus, dans cette action de grâce qu’est l’Eucharistie.
Louis Roy, OP