La moutarde de la foi

Paroisse Saint-Jean-Baptiste – Ottawa https://sjb-ottawa.org

Seigneur, « augmente en nous la foi » te servir et témoigner de toi

De la parabole de la charité à celle de la foi

La parabole du pauvre Lazare et du mauvais riche nous invitait à la présence à l’autre, à la compassion et la charité dans notre quête et notre marche vers le Royaume. Elle est une parabole de la charité. Elle nous faisait comprendre qu’au bout du compte, à la fin du parcours, seule la charité aura du prix. Les lectures de ce dimanche nous orientent plus dans la foi. En effet, si la charité est à la fin du chemin, la foi marque le début du chemin tandis que l’espérance nous aide à marcher sur le chemin. La foi nous mène à la charité par l’espérance. La charité confirme la foi, dans l’espérance.

Le prophète Habacuc achève son exhortation prophétique de ce jour en affirmant : « le juste vivra par sa fidélité. » (Ha 2, 4 LIT). À Timothée, Paul demande de garder le dépôt de la foi (2 Tm 1, 14) et de témoigner du Christ sans honte ni peur (cf. 2 Tm 1, 7-8) Dans l’Évangile de ce jour, nous avons la prière des Apôtres à Jésus Lui demandant d’augmenter leur foi (cf. Lc 17, 5). Cette demande de foi oriente notre thème de méditation, à savoir : La moutarde de la foi : Seigneur, augmente notre foi pour mieux te suivre, te servir et témoigner de toi. De fait, la parabole de la graine de moutarde est une parabole de la foi.

La foi comme une graine

« Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, nous dit Jésus, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. » (Lc 17, 6 LIT) En répondant ainsi aux disciples, Jésus compare la foi à une graine. La foi est une graine, une petite graine. Or, il y a une relation entre la graine, la terre d’enracinement de celle-ci, la racine et l’arbre. La graine s’enracine en terre pour grandir et former un arbre. La graine de moutarde est toute petite. À peine est-elle visible quand on la jette en terre ou la tient en main. Pourtant, une fois germée et grandie, son arbre est de loin supérieur à la graine qui a porté celui-ci.

La graine de moutarde ne fait pas la taille du moutardier qu’elle produit, plus tard. Le moutardier est de loin plus grand que sa semence. Nous sommes, ici, dans la relation entre ce qui est petit et l’effet de grandeur que cela peut produire. La moutarde a beaucoup de propriétés sanitaires. Entre autres, elle augmente la production de la salive et des sucs gastriques facilitant une bonne digestion. Elle est donc un décongestif, un libérateur de la congestion intestinale.

La foi en action

« Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, nous dit Jésus, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. » Cette réponse de Jésus nous montre que la foi nous met en action, elle nous met en mouvement. La foi commande. Elle nous ouvre le chemin. La foi nous met au défi devant les difficultés et les situations de vie. Si notre foi est petite comme la graine de moutarde, elle peut cependant faire de grandes choses. En clair, la foi doit être active en nous, dans nos prières, comme la moutarde.

La graine en terre est toute petite, mais elle fend la terre en profondeur par ses racines et en ressort des branches en hauteur. La puissance de la graine est telle qu’elle sait contourner les obstacles à son chemin. Que de petites plantes, voyons-nous souvent grandir à travers les rocs, sur des lieux asphaltés ou goudronnés.

La foi dans les épreuves de foi

Face aux épreuves et à la dureté de la vie, nous devons activer la graine de foi en nous, la moutarde de la foi. On peut alors comprendre la prière du prophète face aux épreuves de la foi et de la vie : « Combien de temps, Seigneur, vais-je appeler, sans que tu entendes ? Crier vers toi : “Violence !”, sans que tu sauves ? Pourquoi me fais-tu voir le mal et regarder la misère ? Devant moi, pillage et violence ; dispute et discorde se déchaînent. » (Ha 1, 2-3)

Chaque chrétien, chaque chrétienne peut faire sienne cette prière du prophète Habaquc face aux circonstances de sa vie. Plus encore, elle ouvre nos yeux, elle s’actualise dans les cris des enfants de Gaza face à la guerre, aux injustices et à l’oppression. Elle ouvre nos yeux et s’actualise dans les cris des hommes et des femmes en Afrique qui connaissent les situations de vie difficile, les guerres, les injustices, la pauvreté et la misère en abondance. Nous sommes comme des nains, des petits grains de sable, de petites graines de moutarde face aux évènements douloureux de notre monde. Ces évènements sont comme des arbres difficiles à déraciner. Nous faisons nôtre aussi ce cri du prophète : combien de temps, jusques à quand, Seigneur, ces souffrances et malheurs du monde ? Cependant, nous devons continuer de croire.

La réponse du Seigneur est une réponse de foi, d’espérance et de persévérance. Il n’y a pas de foi sans espérance de foi. D’où la réponse d’espérance et de confiance de Dieu au prophète : « Elle [la vision] tendra vers son accomplissement, et ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, sans retard. » (Ha 2, 3) La foi espère aussi ce qu’elle croit ou Celui qu’elle croit, Dieu. Sinon, elle n’est plus foi. La foi lutte. Elle est un combat pour le Royaume : Le combat de la foi face aux épreuves existentielles. Paul demandait d’ailleurs à Timothée de combattre le bon combat de la foi qui ne déçoit pas. Car, en Dieu, rien n’est impossible à celui ou celle qui croit (cf. Lc 1, 37). La foi cherche le chemin face aux brouillards, au blocus. Elle est comme une lampe allumée, une torche dans les ténèbres.

La foi en service, la foi qui témoigne

Elle persévère dans la confiance et elle témoigne, quelle que soit l’épaisseur des ténèbres. C’est pourquoi Paul demande à Timothée de témoigner du Christ, sans peur ni honte. La graine n’a pas honte de sortir de terre, même si des terres rocailleuses et épineuses. Nous aussi, n’ayons pas peur de témoigner, de sortir la tête de la foi, d’espérance et d’amour. Nous sommes des graines de foi semées dans un monde de doute, d’indifférence et de refus de Dieu. Nous sommes des graines d’espérance et d’amour, dans un monde de désespoir et de haine. Nous sommes des graines de justice et de paix, dans un monde d’injustice et de guerres. Germons et poussons, comme la graine de moutarde.

L’image du serviteur laboureur et son maître nous donne de mettre en relation la foi et le service. La foi nous rend serviteurs de Celui qui fait l’objet de notre foi. Dans la deuxième parabole de l’Évangile de ce jour, le laboureur après son labeur vient servir son maître, après les champs. Nous labourons par la foi, nous œuvrons dans la foi pour le Royaume et nous servons. Notre relation et proximité avec Dieu ne doivent nous faire commettre un crime de lèse-majesté, ni nous faire changer de rôles. Dieu est notre Maître. Comme l’affirmait Benoît XVI,

« C’est Dieu qui gouverne le monde et non pas nous. Nous, nous lui offrons uniquement nos services, pour autant que nous le puissions, et tant qu’il nous en donne la force. Faire cependant ce qui nous est possible, avec la force dont nous disposons, telle est la tâche qui maintient le bon serviteur de Jésus Christ toujours en mouvement : “L’amour du Christ nous pousse” (2Co 5,14). »

– Benoît XVI, Lettre encyclique Deus Caritas est, sur l’amour de Dieu, 35.

C’est Lui qui est Dieu en nous et pour nous. Ce n’est pas nous qui sommes ses maîtres ou son Dieu. Je finis avec cette méditation de Madre Teresa :

Le fruit du silence est la prière.
Le fruit de la prière est la foi.
Le fruit de la foi est l’amour.
Le fruit de l’amour est le service.
Le fruit du service est la paix.

– Madre Térésa de Calcutta

Soyons silencieux, prions, croyons, aimons et servons. Soyons des graines de foi dans un monde qui ne croit plus. Soyons des graines d’espérance et d’amour pour vaincre le désespoir et la haine. Soyons des graines de bien pour vaincre le mal et le malheur du monde. Soyons des graines de justice et de paix, pour vaincre les injustices et la paix. Seigneur, fortifie notre foi. Fortifie notre espérance. Fortifie notre charité. Jésus, en ce jour supposé être la mémoire de sainte Faustine, nous avons confiance en toi ! C’est à toi le dernier mot. C’est toi le Maître du monde, malgré les difficultés.


Ha 1, 2-3 ; 2, 2-4 ; Ps 94 (95) ; 2 Tm 1, 6-8.13-14 ; Lc 17, 5-10