En entendant notre deuxième et notre troisième lecture de ce dimanche, l’une tirée de saint Paul et l’autre tirée de saint Luc, on peut se demander si ces lectures ne se contredisent pas. En effet, l’extrait de la lettre aux Colossiens est tout à fait lumineux, alors que l’extrait de l’Évangile selon Luc est plutôt sombre.
Néanmoins, ne sommes-nous pas en présence de deux aspects incontournables de notre foi ? Notre foi n’est-elle pas capable d’associer optimisme et pessimisme ? Ce faisant, notre foi ne dépasse-t-elle pas la superficialité des optimismes et des pessimismes que nous remarquons autour de nous ? Notre foi n’intègre-t-elle pas en même temps l’espérance face à la force de Dieu, et la lucidité face au mal qui nous assaille tous ?
Or le Christ que nous professons être Roi de l’univers est un roi étrange, un roi à la fois vaincu et vainqueur : sur la croix, il était apparemment définitivement vaincu, et au moment de sa résurrection il a été reconnu comme définitivement vainqueur. Un étrange roi, bien sûr, et même un paradoxe vivant, et c’est pourquoi il est si intéressant – plus que Confucius, plus que Bouddha, plus que bien d’autres ayant inspiré une grande tradition religieuse.
Le paradoxe qu’est Jésus se décline de plusieurs façons et, ce matin, je mentionnerai un certain nombre de ces façons, qui me sont venues à l’esprit depuis hier ; je les énumérerai assez lentement : Jésus était soucieux de paix tout en annonçant un glaive qui provoquerait des divisions dans les familles ; il n’était ni homme politique ni homme d’une religiosité désincarnée ; ni grand financier ni dénué de tout bien ; un Messie ni purement temporel ni purement spirituel ; ni puissant humainement ni indifférent à ce qui se passe dans notre quotidien ; il se montrait capable de promettre le Royaume, comme il l’a fait pour le bon larron, crucifié à côté de lui, et pourtant il doit exercer la justice finale au jugement dernier.
Dans l’Évangile selon saint Jean, Jésus avait dit à Pilate, le gouverneur romain : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » Et Jésus avait ajouté : « Tu le dis : je suis roi. » D’une part, il voulait se révéler, mais il voulait aussi demeurer incompréhensible à tous les Pilate qui ne sont pas en quête de vérité. Rappelons-nous que le sceptique Pilate s’était exclamé : « Qu’est-ce que la vérité ? »
Demandons à l’Esprit Saint de faire de nous des disciples du Christ humilié et glorifié, des disciples pleins de foi et de confiance en la venue de son Royaume parmi nous.
Louis Roy, OP
Église Saint-Jean-Baptiste
Ottawa, 2025